Internet Sans Frontières est membre du Forum National pour la Démocratisation de la Communication (FNDC) au Brésil. A ce titre nous publions et diffusons en français le manifeste pour la défense de la liberté d’expression et de la démocratie au Brésil publié en juin 2019. Le Brésil est à nouveau menacé par le bâillon de la censure. Le gouvernement de Jaïr Bolsonaro se caractérise par la lutte contre le journalisme libre, contre la pensée libre et contre la culture libre.
Lien vers la publication originale en portugais
La liberté d’expression est un droit fondamental. En période de polarisation politique et de montée des discours haineux et autoritaires, avec des attaques frontales contre la démocratie, la lutte pour la garantie de ce droit doit être intensifiée.
Le Brésil est à nouveau menacé par le bâillon de la censure. Le gouvernement de Jaïr Bolsonaro se caractérise par la lutte contre le journalisme libre, contre la pensée libre et contre la culture libre. Depuis sa campagne électorale, Bolsonaro n’a pas caché son mépris pour la démocratie et les droits fondamentaux et a choisi la liberté comme adversaire de sa croisade politique, idéologique et culturelle.
Dès le premier jour de sa présidence, Bolsonaro montre un profond manque de respect pour la presse. Lors de sa cérémonie d’inauguration, il a confiné les professionnels de l’information dans des conditions dégradantes. Et six mois après son mandat, il a déjà ordonné de licencier une journaliste et a déjà déclaré que les médias étaient des ennemis à combattre. Les membres de son gouvernement et ses fils (qui se prennent pour des princes dans une monarchie) utilisent les réseaux sociaux pour dénoncer et lyncher des journalistes qui enquêtent sur des sujets susceptibles de dénoncer les actions du gouvernement.
Via des décrets et des mesures administratives, il a modifié illégalement la législation afin de réduire la transparence de l’État et a imposé le secret sur des documents d’intérêt public, détruit le système audiovisuel public, persécute les universités et les enseignants, attaque la recherche scientifique et tente de criminaliser les organisations politiques.
Ces dernières années, le Brésil vivait déjà dans un contexte de violations graves de la liberté d’expression. Celui-ci prenait la forme de poursuites pour empêcher la publication de contenus, ou obtenir leur retrait. Ces actions judiciaires étaient principalement coordonnés par les groupes médiatiques hégémoniques à l’encontre des activistes, des journalistes, des médias alternatifs, par des politiciens ou par les représentants de la force publique.
Mais depuis la destitution de Dilma Rousseff, la judiciarisation de la censure et les violations de la liberté d’expression, en plus d’augmenter en nombre, sont désormais commis par le pouvoir exécutif central : intervention dans l’entreprise publique de communication, persécution d’enseignants, violences contre des manifestants, menaces à des journalistes pour tenter de violer la confidentialité de leur sources, la liste est longue.
C’est pour toutes ces raisons que le forum national pour la démocratisation de la communication a lancé en 2016 la campagne « Censure, Jamais plus ! ».
Au Brésil, selon le rapport “Violations de la liberté d’expression”, produit par l’organisation Article 19, les menaces et les meurtres de journalistes et de blogueurs ont augmenté de 30% en 2018 par rapport à l’année précédente, et les principales victimes sont les journalistes résidant dans les petites villes. Dans le classement mondial de la liberté de la presse, produit par Reporters sans frontières, le Brésil figurait en 2017 à la 103ème position sur 180 pays. En 2019, le pays est tombé à la 105ème position. Les données démontrent une dégénérescence significative de la garantie du droit à la liberté d’expression et, en conséquence, une plus grande fragilité du système démocratique.
Dans ce scénario de montée de l’extrême droite et de la pensée fondamentaliste, l’intolérance, les préjugés, la désinformation et la propagation de mensonges (fausses informations) se développent dans le pays. Le discours de haine est maintenant pratiqué de manière récurrente en tant qu’instrument de combat politique et idéologique.
Avec Bolsonaro, le Brésil a encore régressé et nous n’avons plus à dénoncer simplement des cas de violation de la liberté d’expression, mais un scénario de complète institutionnalisation de ces violations. Nous sommes maintenant sous la coupe d’un État censeur.
Ce qui nous rend humain, c’est la possibilité de nous exprimer et de penser librement. Lorsque le pouvoir politique et économique nous oblige à taire notre pensée de peur des conséquences, lorsque notre voix est muselée, lorsque nos organisations sont criminalisées, lorsque nos manifestations sont réprimées avec violence, lorsque nos journalistes sont traités comme des criminels, il n’y a plus de liberté d’expression et encore moins de démocratie.
En réaffirmant et défendant la liberté d’expression comme un droit fondamental, reconnu internationalement comme le fondement d’une société démocratique, le FNDC relance sa campagne Censure, Jamais plus ! en se concentrant maintenant sur la défense de ce droit fondamental. Son but est de débattre le thème de manière large, en requalifiant le débat sur la liberté d’expression elle-même, son sens aujourd’hui, ses sujets et ses limites. Ce repositionnement politique, juridique et théorique est indispensable pour permettre une défense directe, et pas seulement réactive, de ce droit fondamental. Défendre la liberté d’expression, c’est défendre la démocratie ! Censure, Jamais plus !
Traduction, Florence Poznanski, directrice du bureau ISF Brésil (florence@internetsansfrontieres.org)
Tags: Bolsonaro, Brazil, libertés