Article rédigé par Makaila Nguebla, journaliste et blogueur.
Au Tchad, les libertés d’expression et d’opinion, demeurent des terrains à conquérir pour les militants associatifs, les citoyens épris de paix, de justice et de dignité humaine. Notamment, ceux qui font usage des nouveaux médias et outils de communications pour revendiquer l’instauration d’un Etat de droit et le respect des droits humains.
C’est le cas de Mahydine Babouri : journaliste et activiste tchadien, connu dans le pays pour ses prises de paroles contre le pouvoir de l’actuel président du Tchad, Idriss Deby. Il paie de sa liberté le prix de son engagement : A travers des vidéos postées sur les réseaux, et en particulier sur son profil Facebook, il a dénoncé à plusieurs reprises la gestion calamiteuse du pays et les dérives autocratiques du régime tchadien.
Arrestation et mauvais traitement
Le 16 septembre 2016, l’activiste a été interpellé à Ndjaména puis conduit dans les locaux de l’Agence Nationale pour la Sécurité (ANS), redoutable service des renseignements tchadiens. Il a été interrogé puis jeté en prison pendant plusieurs jours sans accès ni à un avocat ni à une assistance médicale. Mahadine a ensuite été transféré à Moussoro, lieu où sont embastillées de centaines de prisonniers qui vivent dans de conditions carcérales pénibles.
Selon Me Olivier Gouara, M. Babouri est accusé par le Procureur de la République« d’atteinte à l’ordre constitutionnel, à l’intégrité et à la sécurité nationale de l’Etat et d’intelligence avec un mouvement insurrectionnel. ». Son arrestation est intervenue après qu’il ait posté plusieurs vidéos sur sa page Facebook, dans lesquelles il dénonce la mauvaise gestion du pays par le clan du président tchadien Idriss Deby, qui dirige d’une main de fer le Tchad depuis 27 ans.
Le 19 novembre 2016, depuis la maison d’arrêt de Ndjaména, où il est désormais détenu, Mahydine Babouri a posté, cette vidéo dans laquelle, il affirme que cela fait un mois et demi qu’il est malade, qu’il traverse une situation critique, appelant les organisations humanitaires et de défense des droits humains à agir pour faciliter son évacuation sanitaire.
Selon son avocat, son client aurait subi des sévices corporels, et aurait été électrocuté. L’avocat ajoute :
« Ses bourreaux lui reprochaient d’avoir posté des vidéos, dans lesquelles, il a fustigé Hinda Deby, épouse du dirigeant tchadien ainsi que ses enfants »
Haro sur l’activisme en ligne
Le cas de Mahydine Babouri s’ajoute à la longue liste d’activistes, journalistes, et défenseurs des droits de l’homme arrêtés arbitrairement, emprisonnés, voire torturés. En avril 2017, Nadjo Kaina, porte-parole du mouvement citoyen Iyina a été arrêté puis finalement condamné à 6 mois de prison avec sursis. Le 5 mai 2017, Maoundoe Declador, du mouvement citoyen “Ça doit changer” a été arrêté et détenu au secret. Dans un récent rapport intitulé : « les voix critiques étouffées, », l’organisation Amnesty International évoque les cas de ces défenseurs des droits humains tchadiens, qui sont victimes des mesures répressives de leur régime.
Les arrestations récentes des défenseurs des droits, activistes, et journalistes s’inscrivent dans la droite ligne de la répression par le régime tchadien du cyberespace, et de ceux qui utilisent Internet pour une société plus démocratique : depuis 2016, les organisations de la société civile, et les citoyens tchadiens ont à plusieurs reprises utilisé les réseaux sociaux, les blogs, pour protester contre la confiscation de la démocratie et la mauvaise gouvernance par le régime en place depuis 27 ans. En réponse, le gouvernement n’a pas hésité à bloquer l’accès aux réseaux sociaux, et applications de messagerie de type whatsapp, pendant 8 mois, en totale violation avec les engagements internationaux du Tchad, et a contrario de la position du Conseil des droits de l’homme de l’ONU qui condamne les coupures ou perturbation du réseau Internet.
La mobilisation s’organise en ligne
La pétition #Freebabouri permet aux internautes du monde entier de marquer leur soutien à l’activiste Mahydine Babouri. Sur la page Facebook du même nom, des mises à jour sur la campagne en cours sont régulièrement postées.
Makaila Nguebla
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