Avec votre aide, la coalition #KeepItOn a documenté les nombreux coûts des coupures Internet, comme la perte d’opportunités d’affaire et d’apprentissage, la perte d’accès aux médecins et aux soins de santé, la perte de liens avec ses proches, et bien d’autres.
En dépit de ces pertes, les personnes qui subissent ces coupures ne reçoivent presque jamais de réparation. C’est en partie parce que les tribunaux n’ont pas eu leur mot à dire.
Depuis 2018, Access Now et Internet Sans Frontières s’efforcent de changer cette dynamique, en s’adressant au pouvoir judiciaire camerounais pour fournir aux personnes touchées des recours d’une part, et pour renforcer la responsabilisation pour le mal causé par les coupures.
Le 19 janvier 2018, Access Now et Internet Sans Frontières ont porté une plainte pour contester la coupure d’internet mise en place par le gouvernement dans les régions anglophones du Cameroun de janvier à avril 2017. Dans un « amicus curiae », Nous fournissons au juge des conseils et des précisions sur les obligations issues du droit international des droits de l’homme, et exhortons le tribunal à mettre fin aux coupures d’internet pour de bon.
“Les tribunaux camerounais ont l’opportunité d’établir un exemple en faveur des droits de l’homme et de la règle de la loi”, a déclaré Peter Micek, conseiller juridique d’Access Now. “En déclarant que l’ordre de la coupure par le gouvernement est un décret discriminatoire, inutile et disproportionné, délivré dans le cadre de procédures entachées d’irrégularités, le tribunal peut offrir des recours aux Camerounais et mettre en lumière les victimes de coupures d’internet ailleurs”.
«Une décision du Conseil constitutionnel camerounais de réaffirmer la protection des droits de l’homme et de statuer sur l’illégalité des coupures d’internet enverrait un signal historique et puissant aux autres pays de la région d’Afrique centrale. Entre 2016 et 2017, tous les pays de la région ont illégalement utilisé ces genres des coupures pour des raisons politiques », a ajouté Julie Owono, directrice exécutive d’Internet Sans Frontières.
Bien qu’il y ait deux procès en cours, ils procédent séparément; nous intervenons dans le cadre d’une « amicus curiae » dans l’affaire inscrite sous le n° 439, devant le Conseil constitutionnel, car les procédures internes devant les juridictions civiles ne permettent pas les mémoires d’amicus.
Malheureusement, les tribunaux n’ont pas agi rapidement, ce qui a retardé les audiences et ralenti le processus judiciaire, y compris un retard à cause de la perte de documents de la cour. Nous espérons que notre mémoire stimulera le progrès dans ces affaires.
LIRE LE MEMOIRE SOUMIS PAR ACCESS NOW ET INTERNET SANS FRONTIERES
Les procès
Le 17 avril et le 20 avril 2017, les cabinets d’avocats Veritas du Cameroun, en collaboration avec la Media Legal Defence Initiative, ont intenté deux actions en justice distinctes pour contester la coupure d’Internet dans les deux régions anglophones du Cameroun. La partie défenderesse comprend l’État du Cameroun, Cameroon Telecommunications (CAMTEL), le ministère des Postes et Télécommunications et plusieurs entreprises de télécommunications du pays.
Les procès exigent que le gouvernement rétablisse et maintienne l’Internet au Cameroun. Ils demandent également au tribunal de constater que la coupure dans les régions du Sud-Ouest et du Nord-Ouest du Cameroun viole les droits constitutionnels des plaignants anglophones à la liberté d’expression et à l’accès à l’information; que cette coupure viole les dispositions constitutionnelles interdisant la discrimination fondée sur la langue. Ils demandent aussi que les frais de ces procès soient payés par La partie défenderesse.
Les actions en justice cherchent un remède à la coupure qui a débuté le 17 janvier 2017 et s’est terminée juste après le dépôt des plaintes, vers le 20 avril 2017. Nous ne savons pas exactement pourquoi le gouvernement a décidé de rétablir l’accès à Internet, mais le timing, juste après que les plaintes ont été déposées, mérite une enquête.
Soumission d’Access Now et Internet Sans Frontières
Pour informer le tribunal du droit international des droits de l’homme applicable à l’affaire, Access Now et Internet Sans Frontières ont conjointement soumis un mémoire.
Notre soumission note : «Le préambule de la Constitution camerounaise engage explicitement le gouvernement à respecter les cadres régionaux et internationaux qui protègent les droits de l’homme, notamment la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, la Déclaration universelle des droits de l’homme et la Charte des Nations Unies». Le Cameroun a signé le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) ainsi que le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC), qui protègent tous deux des droits directement lésés par les coupures d’internet au Cameroun.
Nous attirons également l’attention sur plusieurs déclarations, conventions et décisions africaines qui protègent la liberté d’expression au Cameroun. Au sein de l’Union africaine, le droit à la liberté d’expression est garanti par l’article 9 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, qui comprend la liberté de recevoir, d’exprimer et de diffuser des opinions et des informations. En novembre 2016, la Commission africaine a adopté une résolution exprimant son inquiétude sur «la pratique, de plus en plus émergente pendant les élections, des États parties d’interrompre ou de limiter l’accès aux services de télécommunication tels que l’Internet, les médias sociaux et les services de messagerie».
Notre mémoire montre comment l’ordre de la coupure d’internet et sa mise en œuvre ont violé les trois parties du test établi pour les restrictions à la liberté d’expression en vertu du PIDCP, ainsi que l’art. 9 de la Charte africaine. Les droits économiques, sociaux et culturels protégés par le PIDESC ont également subi un préjudice disproportionné et inutile en raison de la perturbation.
Enfin, nous notons que la Commission africaine, au Zimbabwe qui comprend Zimbabwe Lawyers for Human Rights et Associated Newspapers of Zimbabwe, a posé des questions directrices qui doivent être posées pour déterminer si une mesure est proportionnée: “Y avait-il suffisamment de raisons pour justifier la action? Y avait-il une alternative moins restrictive? Le processus décisionnel était-il équitable sur le plan procédural? Y avait-il des garanties contre les abus? Est-ce que l’action détruit l’essence des droits garantis par la Charte? »En réponse, nous disons au tribunal:« La coupure d’internet au Cameroun ne répond pas à la norme de nécessité car elle a eu lieu en réponse directe aux protestations anglophones, ostensiblement pour étouffer leur dissidence. En droit international, les restrictions à l’expression ne peuvent jamais être invoquées pour justifier la suppression du plaidoyer en faveur des droits démocratiques. ”
Pour ces raisons, nous exhortons le tribunal à se prononcer en faveur des plaignants et à établir un précédent en concluant que ce genre de coupure viole le droit national et international.
Tags: #KeepItOn, Afrique, Cameroon, censure, Coupure Internet, Internet Sans Frontières, justice, Liberté d'expression