Depuis le dimanche 28 août, l’accès des usagers au réseau Internet du Gabon est restreint et perturbé.
La veille samedi 27 août, a eu lieu le scrutin à un tour de l’élection présidentielle qui oppose l’actuel
président Ali Bongo au candidat de l’opposition Jean Ping.
Si le gouvernement gabonais a assuré n’avoir pris aucune mesure de blocage des réseaux de télécommunications,
l’analyse de l’activité et de l’état du réseau gabonais montre que celui-ci est restreint depuis depuis 3 jours.
Notre enquête, qui s’appuie sur de nombreux indices montre qu’une volonté de restriction et de coupure
du réseau gabonais a été planifiée ces derniers jours et qu’elle conduira si elle est maintenue à une suspension
totale du réseau Internet gabonais.
Contingentement de la bande passante internationale
Pour comprendre la technique utilisée pour restreindre le réseau, il faut imaginer que le les usagers
gabonais d’Internet sont interconnectés sur un réseau local. Ce réseau local est à son tour connecté
au réseau global Internet via des systèmes de transmission de données. Principalement un câble sous marin
pour le Gabon. Cette passerelle entre les données d’un réseau local et le réseau global est appelé
accès à la bande passante internationale. C’est le débit d’accès à cette passerelle depuis le gabon,
qui subit des restrictions techniques volontaires.
Ces restrictions de débit au Gabon sont visibles depuis le moniteur d’analyse statistique d’activité Internet du centre
international des registres ( Ripe Network Coordination Center ) qui compute également en temps réel
les données transmises par Afrinic, le centre africain de coordination des Registres IP. Les adresses
IP, c’est à dire les ordinateurs qui ont essayé d’accéder à l’Internet global depuis le Gabon ces
deux derniers jours ont dû se partager entre 0 et 18 % de la bande passante restante disponible.
( Analyse de l’accès à la bande passante internationale des adresses
IP localisées au Gabon ces 7 derniers jours. Source: Ripestat NCC )
Effet des restrictions à la bande passante internationale
La restriction de l’accès à la bande passante rend inutilisable les applications et services qui nécessitent
son usage comme la messagerie Whatsapp, utilisée par les membres
de l’opposition et de la société civile. L’usage des réseaux sociaux devient de plus en plus difficile. La transmission d’images
via Internet qui consomme beaucoup de bande passante devient impossible.
Les mesures de restriction d’accès à la bande passante internationale rendent le réseau local instable,
avec des coupures momentanées dues à la saturation, conséquence de l’étranglement du réseau.
De nombreuses coupures ont été signalées par les internautes gabonais ces 48 dernières heures.
Le directeur de la société Gabon telecom a communiqué sur une interruption involontaire des services
ayant conduit à priver totalement l’accès au réseau pour ses usagers le dimanche 28 août pendant 45 minutes.
De nombreux internautes ont signalé une interruption totale du réseau lundi 29 aout dans la soirée
pendant au moins 2H30 minutes.
La société Akamai, leader mondial spécialisée dans la mise à disposition de serveurs de cache pour les entreprises
et qui publie un rapport annuel sur l’état du réseau a été contactée par Internet Sans Frontières hier pour vérifier
l’état du réseau local gabonais. Le rapport qu’elle émet montre également qu’il y a restriction
à la bande passante, qui a conduit à interrompre totalement les communications Internet du pays.
Internet Sans Frontières rappelle que la censure du réseau Internet actuellement en cours au Gabon
est contraire aux engagements publics pris par les autorités actuelles du pays, garantissant le maintien
l’accès au réseau pendant la période du scrutin.
De telles pratiques sont contraires aux engagements internationaux pris par la République du Gabon
en matière de libertés.
L’article 19 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme protège le droit de tout individu à la
liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de recevoir et de répandre,
sans considération de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit ;
L’article 33 de la Constitution de l’Union Internationale des Télécommunications reconnaît le droit de
correspondre au moyen de service international de correspondance publique.
Le 1er Juillet 2016, le Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies a adopté à Genève une résolution
dans laquelle il affirme que les droits qui s’appliquent dans le monde non-virtuel doivent être appliqués
avec la même force dans le cyberespace.
Surtout, le Conseil condamne fermement « les mesures intentionnelles visant à empêcher ou perturber
l’accès ou le partage d’informations en ligne. »