Gabon: censure autour de l’état de santé du Président et post-vérité.
Paris – 3/09/2019 – Le débat sur l’état de santé du président Ali Bongo provoque une des plus importantes campagnes menées par le gouvernement gabonais contre la liberté d’information dans ce pays.
Depuis son accident vasculaire cérébral survenu le 24 Août 2018 à Riyad, en Arabie Saoudite, le feuilleton sur les apparitions ou les absences du président rythme la vie politique et la censure dans le pays. La quasi totalité des sites d’information en ligne, critiques sur le défaut de transparence autour de l’état de santé du président Ali Bongo a été censuré par le gouvernement. Cette censure ravive le débat sur l’authenticité de la vidéo du discours du nouvel an diffusée par le gouvernement gabonais deux mois seulement après l’accident du président. Internet Sans Frontières a enquêté sur l’authenticité de cette vidéo, qui ouvre une ère de post-vérité au Gabon.
Censure de l’information sur la santé du président
Après le retrait de l’accréditation du correspondant de RFI au Gabon pour son compte rendu sur l’état physique du président lors du défilé du 17 août, le gouvernement gabonais menace l’agence Bloomberg de représailles judiciaires pour avoir révélé l’hospitalisation d’Ali Bongo en cours au Royaume Uni. Ces menaces contre la presse étrangère viennent après la censure des sites d’information du Gabon qui n’ont pas cessé d’interroger l’état de santé du Président.
Au courant de cet été, la Haute autorité pour la Communication (HAC) a interdit la quasi totalité des sites d’Information en ligne. Cet organe gouvernemental a demandé aux opérateurs de télécommunication de censurer trente sites d’information pour “non conformité aux obligations en vigueur“.
Mystère sur un “Deepfake” et coup d’État avorté
Au printemps 2019, Internet Sans Frontières alertait et participait à l’enquête publiée par Mother Jones sur une manipulation alléguée des images du discours du nouvel an 2019 prononcé par le président après son accident. S’agissait-il d’un deepfake ? demandait déjà en janvier 2019 Gabon Review, un des sites censurés par la HAC. La diffusion de cette vidéo fut un des éléments déclencheurs de la tentative de coup d’État du 6 janvier 2019. Dans leur communiqué, les auteurs du putsh avorté fustigeaient ceux qui “continuent d’instrumentaliser et de chosifier la personne d’Ali Bongo Ondimba en mettant en scène un malade dépourvu de plusieurs de ses facultés physiques et mentales.“
Il n’est pas aisé de détecter un deepfake. Les créateurs de deepfake utilisent de grandes quantités de compression d’image et de vidéo pour brouiller leurs résultats. Cette compression masque ainsi tout artifice qui pourrait permettre de révéler facilement leur manipulation. Selon les experts sollicités par Mother Jones en mars 2019, il est impossible, eu égard aux technologies actuelle de détection des deepfakes, d’affirmer avec certitude qu’il s’agissait d’une manipulation d’images animée par de l’intelligence artificielle.
L’un d’entre eux, Aviv Ovadya, chef du Center for Social Media Responsibility de l’Université du Michigan: “s’il est très difficile de savoir si la vidéo est réellement un deepfake, cette possibilité reste dommageable“. De nouvelles méthodes de détection des deepfake ont vu le jour ces derniers mois, elles permettront peut être d’avoir une réponse définitive. La vidéo d’Ali Bongo du 31 décembre 2018 est devenue un cas d’école pour ceux qui s’intéressent à l’impact des deepfakes dans la vie politique des États.