Ethiopie : La nouvelle loi contre la haine en ligne est une conséquence de l'action limitée des plateformes contre les contenus haineux en Afrique - Internet Sans Frontières
Internet Sans Frontières s’inquiète vivement de l’adoption par l’Éthiopie de la loi contre les propos haineux et la diffusion de fausses informations sur les réseaux sociaux, et s’alarme de l’impact que cette loi pourrait avoir sur le débat public dans ce pays. L’adoption de ce texte controversé, près de deux mois après la réception du prix Nobel de la Paix par le Premier Ministre Abiy Ahmed, interroge sur la corrélation qui est faite entre diffusion des contenus incitant à la haine entre les communautés, et la nécessité de la censure étatique pour préserver la paix.
Lors de la réception de son prix à Oslo le 10 décembre 2019, Le premier Ministre Éthiopien avait explicitement accusé les réseaux sociaux de semer la haine et la division, et de saboter le développement d’une atmosphère politique inclusive en Ethiopie. Il n’est pas le seul à penser ainsi: au Nigéria, et au Cameroun notamment les autorités alertent régulièrement sur le rôle des réseaux sociaux dans la diffusion de la haine ethnique, et discutent actuellement des textes similaires à la loi Éthiopienne. En Europe, des pays comme la France s’apprêtent également à adopter des lois contre la haine sur Internet. Cette tendance inquiète, mais ne surprend pas Internet Sans Frontières.
Depuis de nombreux mois, l’association alerte sur l’augmentation préoccupante des discours incitant à la haine entre communautés sur les réseaux sociaux, dans des pays où les institutions en transition rencontrent des difficultés à contrer cette nouvelle menace dans le respect des principes démocratiques. L’augmentation exponentielle des cas de coupures volontaires d’Internet, notamment en Afrique, est l’une des manifestations de ce phénomène. En 2019, le gouvernement éthiopien avait argué de la lutte contre les “fausses nouvelles” pour justifier une coupure d’Internet. coupé l’accès à Internet. Face à cela, Internet Sans Frontières encourage l’adoption de mesures proactives pour empêcher la viralité de la haine sur Internet, notamment de la part des plateformes de contenus.
« Nos appels à Facebook, Google, et Twitter sont pour l’instant peu entendus au regard de l’ampleur du problème : depuis 2018, nous traquons les discours haineux à caractère ethnique ou religieux dans plusieurs pays d’Afrique, la situation est extrêmement alarmante. L’Éthiopie ne fait qu’ouvrir la marche des États africains qui adopteront des lois injustes pour lutter contre un phénomène qui les désempare », a déclaré Julie Owono, Directrice Exécutive d’Internet Sans Frontières.
Internet Sans Frontières et son réseau de journalistes et de défenseurs des droits traquent et signalent aux plateformes les discours dangereux pour la paix civile en Afrique Centrale, et étendra bientôt son projet à d’autres pays dont l’Ethiopie, le Nigéria, et l’Afrique du Sud. Les informations récoltées dans le cadre de ce projet, aident à la création d’une base de données de la haine en Afrique, qui permettra d’affiner les systèmes actuels de modération automatiques, en prenant en compte le contexte, la langue, pour mieux lutter contre ces discours tout en préservant la liberté d’expression.